La grande histoire du CBD en France- produits, consommation, législation
Le CBD, aujourd’hui, ne cesse de faire parler de lui non seulement en Europe, mais aussi à travers de nombreux pays du monde. Réputée pour ses propriétés thérapeutiques, cette molécule du chanvre est désormais la base de plusieurs produits pharmaceutiques et cosmétiques.
En France, le marché du CBD est en pleine expansion. Près de 20.000 hectares de chanvre légal ont été cultivé depuis l’an dernier. Le CBD pourrait même rapporter plusieurs milliards d’euros d’ici trois ans. Ce qui représente un véritable boom pour l’économie française.
Le seul problème réside dans le fait que la législation française ne cesse de changer vis-à-vis de la vente et de la consommation de ce phytocannabinoïde. Qu’en est-il vraiment du CBD en France ? Pour y voir plus clair, une remontée dans le temps sera nécessaire !
Le chanvre Sativa : une histoire qui remonte à des millénaires
Le CBD –cannabidiol- est une molécule extraite du chanvre connu sous le nom scientifique de cannabis Sativa. Cette plante à fleurs qui peut atteindre les 2 mètres de haut pousse aujourd’hui un peu partout dans le monde. Bien que son origine géographique ait été contestée, le chanvre est apparu en Asie avant de s’être diffusé dans le reste du monde.
L’interdiction de la consommation du cannabis en France et en Europe date d’il y a plusieurs décennies. Ce qui laisse supposer que le cannabidiol et ses vertus thérapeutiques sont une découverte récente. Mais la réalité est autre.
Des études archéologiques ont permis de mettre en lumière le fait que le chanvre ait fait son apparition dès -11.000 AV JC. Mais il n’a été exploité par l’Homme qu’au néolithique, c’est-à-dire vers – 7500 AV JC. A cette époque, le chanvre a été cultivé uniquement pour ses fibres. Longues et solides, elles étaient en mesure de remplacer efficacement les peaux de bêtes. Elles permettaient même de réaliser des cordes épaisses et résistantes. De nos jours, l’industrie textile continue à exploiter tout le potentiel de ces fibres et propose une large gamme de vêtements au chanvre.
Le Shu king, un livre chinois, a démontré que l’usage de cette plante ne s’est pas arrêté aux vêtements et aux cordes. L’ouvrage soutient que les graines de chanvre ont été l’une des premières graines cultivées en Asie. Ainsi, elle a également été consommée de la même manière que le riz, le soja et l’orge. C’est sans doute dans cette même lancée que le peuple asiatique a pu approcher les effets thérapeutiques des feuilles et des résines du chanvre Sativa. D’ailleurs, l’encyclopédie de l’Empereur Shennong – datant de l’an 2800 av JC- établit les vertus anti-inflammatoires et analgésiques du cannabis.
Durant les premiers échanges commerciaux entre l’Asie et les tribus nomades, le chanvre faisait partie de la marchandise. Voilà comment il a atterri en Egypte et les Egyptiens n’ont pas tardé à exploiter les différents usages de cette plante. En revanche, l’usage médical du cannabis n’a été découvert par ce peuple que vers l’an 2000 av JC.
Progressivement, le chanvre a gagné l’Inde où il a été considéré comme étant une plante sacré. Par la suite, il a été échangé contre le coton et a commencé a gagné la Méditerranée puis l’Europe du Nord. Au début de l’Antiquité, les Romains avaient donné au chanvre une grande importance stratégique grâce à ses fibres. En ce sens, ses bienfaits médicinaux et thérapeutiques ont été oubliés.
Les temps modernes : vers l’expansion du chanvre
A partir de l’an 500, le chanvre Sativa s’était répandu au Moyen Orient depuis l’Inde. Ce fut ainsi qu’il poursuivit discrètement sa progression jusqu’au début des temps modernes, où sa culture a été relancée par le Portugal, l’Angleterre et l’Espagne.
1611 : les Anglais qui étaient l’un des pays à avoir relancé la plantation du chanvre l’avaient introduit en Virginie. Voilà ce qui a marqué la toute première apparition de cette plante dans la colonie de Jamestown. Les fibres de cette dernière ont été l’une des principales sources d’exportation de la Virginie à l’époque. C’est également ce qui a permis de lancer les premiers dérivés du chanvre – huiles, graisses, papiers.
1776 : George Washington avait dynamisé la culture du chanvre partout aux Etats-Unis. D’ailleurs, le tout premier drapeau américain avait été confectionné à partir de fibres de Sativa.
1797 : lorsque les graines de chanvre ont commencé à être davantage exploitées, Samuel Hahnemann avait discerné l’ensemble de l’intérêt de cette plante.
1798 : à cette époque, l’armée de Napoléon, de passage en Egypte, avait découvert le cannabis récréatif. Une fois que les soldats revinrent en France, la culture du chanvre a été lancée. Mais tout s’arrêta brusquement lorsqu’un égyptien, sous l’emprise des effets psychotropes du cannabis, tenta d’assassiner Napoléon. Ainsi, la plantation et la détention de cannabis ont été formellement interdites en France.
Vers la découverte de la molécule du chanvre : le cannabidiol
Tout au long de l’histoire, le cannabis n’a pas seulement été une plante utile pour ses fibres. Le chanvre a également été une précieuse source thérapeutique. Mais les études du Moyen-âge et des temps modernes n’ont pas été poussées jusqu’au bout pour confirmer les propriétés réelles du cannabis. D’autant plus qu’avec l’essor de la médecine moderne, la phytothérapie a été oubliée peu à peu.
Quoi qu’il en soit, des médecins comme Louis Aubert-Roche et Joseph Moreau de Tours ont continué à utiliser le cannabis pour traiter diverses maladies. Ainsi, en 1845, une première étude sur les effets physiques et psychiques liés à la consommation du cannabis a été publiée.
De son côté, en 1830, William O’Shaugnessy avait introduit le cannabis dans l’univers médical de l’occident. Dans ses premières recherches, il avait testé ses préparations sur des rats. Ce n’est qu'aprèsavoir conclu des résultats positifs qu’il se mit à traiter de véritables patients souffrants de spasmes musculaires.
Un siècle après la publication de l’étude de William O’Shaugnessy, la recherche et de la technologie a fait un grand pas vers l’avant. C’est ce qui a permis de révéler la présence des cannabinoïdes dans le cannabis. Mais on doit la découverte du CBN – structure partielle du cannabidiol– au chimiste britannique Robert S.Cahn.
En 1940, Roger Adams est entré dans l’histoire en isolant la molécule du cannabidiol – le CBD. Ses recherches avaient également permis la découverte du tétrahydrocannabinol plus tard. Cependant, Roger Adams n’avait pas réussi à décrire avec précision la structure chimique du CBD. Il aura fallu attendre 1963 pour que Raphael Mechoulam réussisse à déterminer la structure moléculaire du CBD et du THC. Ce fut également ce biochimiste israélien qui a révélé au grand jour l’effet non-psychoactif du cannabidiol.
Les propriétés thérapeutiques du CBD
A partir de 1964, les recherches de Mechoulam et de son équipe progressaient. Ils ont pu démontrer les possibles effets thérapeutiques du Cannabidiol, mais il aura fallu patienter jusqu’en 1970 pour obtenir des résultats concluants.
Huit ans après la découverte des vertus du chanvre, le Nouveau-Mexique a adopté la loi de 1978. Ce projet de loi qui encadre la recherche thérapeutique des substances contrôlées a reconnu la valeur médicinale du cannabis. Une victoire historique qui a encouragé la poursuite des recherches sur les propriétés du cannabidiol. Et en 1980, Mechoulam a étudié la possible implication du CBD dans le traitement de l’épilepsie. En administrant des doses quotidiennes de 300 mg de CBD à un groupe de 8 patients épileptiques, les résultats étaient sans appel. Sur les 8 sujets, 4 ont cessé d’avoir des crises définitivement. La moitié, quant à elle, a présenté une diminution considérable de la fréquence de leur crise.
Vers 1990, l’intérêt des scientifiques pour les bienfaits des composants actifs du chanvre a permis une meilleure compréhension de la structure des cannabinoïdes. C’est également dans cette optique que l’incroyable percée du système endocannabinoïde du corps humain a été découverte. Les études ont pu démontrer comment le CBD et les autres composants actifs du chanvre peuvent agir sur le corps à travers le SEC.
L’arrivée du CBD en France et en Europe
La progression des recherches scientifiques sur le cannabidiol a fini par susciter l’intérêt des industries pharmaceutiques pour cette molécule. Cette ruée vers l’or vert a commencé aux Etats-Unis avec la Proposition 215 de la Californie. Ce fut ainsi qu’elle a été considérée comme étant le tout premier pays américain à légaliser le cannabis médical. Quelques années plus tard, Oregon, Alaska, Washington, Maine, Hawaï, Nevada et Colorado ont suivi ses traces. Et le 7 octobre 2003, le gouvernement américain a pris la décision de faire breveter le CBD comme neuroprotecteur.
Jusque là, la stigmatisation du cannabis n’a connu une évolution qu’aux Etats-Unis. Mais l’incroyable histoire de Charlotte Figi a changé toute la donne. Cette jeune fille, atteinte de forme d’épilepsie chronique, a trouvé la santé grâce à l’huile de CBD. Elle était passée de 300 crises par semaine à 2 crises par mois. C’est ainsi que la molécule du chanvre a réussi à traverser l’Europe, jusqu’à trouver un endroit où elle pouvait se développer librement : la Suisse. Le CBD a également commencé à faire parler de lui et de ses propriétés thérapeutique en France.
Dès son arrivée au pays, le cannabidiol a réussi à conquérir rapidement le marché. Sa popularité n’a pas cessé d’augmenter et de plus en plus de dérivés ont fait leur apparition. Quoi qu’il en soit, l’opinion vis-à-vis de la consommation du CBD est controversée. La législation française ne cesse également de changer.
Le CBD en France : ce que dit la loi
Depuis la tentative d’assassinat de Napoléon en 1798, par un égyptien sous l’effet du cannabis, l’histoire entre le CBD et la France était compliquée. Longtemps, le CBD a été diabolisé dans le pays à cause du fait qu’il soit extrait du cannabis. Mais avec l’Union Européenne qui avait autorisé la commercialisation de cette molécule du chanvre légal, la France a commencé à ouvrir les yeux.
Dans l’ensemble du territoire, la législation est restée ferme par rapport à l’interdiction de la production, de la vente et de la possession de cannabis. Mais une dérogation est relative au cannabis légal. Cette autorisation particulière a donné plus de liberté à l’expansion du chanvre industriel qui est destiné à des besoins commerciaux – jardinerie, cosmétique, alimentation, bien-être et textile. Cet assouplissement a ainsi donné naissance au CBD légal en France. Mais il est à noter que seules les fibres et les graines demeurent utilisables pour réaliser les dérivés du cannabidiol lancés sur le marché. Les fleurs, quant à elles, sont restées interdites. Dans cette même lancée, le taux de THC des produits mis en vente est également contrôlé. Ainsi, seuls les produits présentant un taux inférieur à 0.2 % sont libres de vente.
Sur cette première parenthèse, on peut dire que la France a fait figure de bonne élève. Mais d’autres pays de l’Europe ont pris une certaine longueur d’avance. En suisse, la production, la vente et la consommation du CBD ont été légalisées depuis 2011. En ce qui concerne la présence de THC, le pays autorise un taux inférieur à 1 %. La Suisse a également été reconnue comme le premier pays à produire des fleurs de chanvre de haute qualité. Cet essor du CBD et de ses dérivés en Suisse, a irrigué en Belgique, en Italie et au Luxembourg. Ainsi, le commerce de la fleur de CBD a été rendu légal dans ces pays.
2020 : un changement majeur sur la législation française par rapport au CBD
L’ancienne législation demeurait assez floue tant pour les fabricants que pour les consommateurs de produits au CBD. Quoi qu’il en soit, la vente a toujours été légalisée. En revanche, la situation a pris une tout autre tournure lorsque l'État français a décidé de fermer tous les CBD Shop. C’est ce qui a causé l’affaire Kanapave.
Kanapave est l’une des premières sociétés à avoir proposé des huiles de cannabis sans THC sur le marché français. Mais lorsque le gouvernement a poursuivi l’entreprise en justice en 2018, l’affaire a secoué la France si bien que l’UE est intervenue. En novembre 2020, après avoir fait appel de sa condamnation, la balance a penché en faveur de l’entreprise. L’Union Européenne a également précisé que le CBD n’est en aucun cas un stupéfiant. Dans cette lancée, elle a affirmé qu’une mesure nationale qui vient interdire la vente du CBD issue du plant de chanvre est jugée illégale. Suite à cette affirmation, la Mildeca a publié un communiqué qui indiquait sa participation à la décision de l’UE. Résultat : la commercialisation de tous les produits au CBD ne contenant pas de THC est autorisée.
2021 : un nouveau projet de loi sur le CBD en France
Bien que l'État français ne puisse plus interdire le commerce de produits au CBD, la justice a publié un nouveau projet de loi en juin 2021. Ce projet met le point sur 4 éléments importants :
La plantation des plants de chanvre au cannabidiol est autorisée, mais reste soumise à certaines conditions.
Les fleurs et les feuilles du chanvre sativa ne sont pas autorisées de vente, mais restent uniquement destinées à l’extraction du cannabidiol.
La consommation de fleurs demeure interdite.
La concentration de THC est toujours fixée à 0.2 %
Face à ce nouveau projet de loi, l’UE a donné sa réponse. Et la décision prise reste favorable aux commerces de CBD puisque l’UE autorise le commerce de fleurs de cannabidiol. Comme argument, elle soutient le fait que les fleurs de CBD sont aussi considérées comme des aliments et répondent à la législation européenne en vigueur.
Mais le gouvernement français a établi un nouvel arrêté le 30 décembre 2021. Il stipule que le commerce ainsi que la culture de fleurs de CBD demeurent illégaux. En revanche, la législation française a augmenté la limite de THC. Il est désormais possible pour les vendeurs de proposer de l’huile de CBD avec une teneur inférieure à 0.2 %.
2022 : vers une suspension de l’interdiction de la vente de fleurs et de feuilles de CBD en France
Le nouvel arrêté du 30 décembre 2021 a suscité l’incompréhension totale des acteurs de l’industrie du chanvre industriel. A titre de rappel, cette filière en plein essor a réussi à générer 2 milliards d’euros il y a un an. Voilà la raison pour laquelle la haute juridiction administrative a décidé de suspendre ce nouveau projet le 24 Janvier 2022. Même si cette suspension est encore provisoire, consommateurs et vendeurs de CBD pourront profiter de quelques mois de répit. Le CBD reste légal en France, mais sous certaines conditions :
La culture : la plante de chanvre peut être cultivée partout en France, mais la teneur en THC est strictement surveillée et ne doit pas excéder 0.2 %.
Les fleurs et feuilles brutes : toutes deux peuvent être récoltées, importées et utilisées tant que cela reste dans la production industrielle d’extraits de CBD.
Les extraits de chanvre : ils doivent avoir une teneur inférieure à 0.2 %.
Produits CBD : tous les dérivés contenants du CBD ne doivent pas faire l’objet d’une revendication des allégations thérapeutiques du cannabidiol. Il y a quand même une dérogation pour les produits qui ont été utilisés comme médicament.
Publicités : toutes les publicités des produits au CBD ne doivent pas faire l’amalgame avec la consommation de cannabis.
Conseil d’Etat 2022 : le point sur les produits au CBD autorisés de vente en France
Suite à la décision du conseil d’Etat par rapport à la suspension de l’arrêté du 30 décembre 2021, le commerce du CBD est de nouveau légal. Il faudra quand même noter que ce ne sont pas tous les produits au CBD qui sont concernés.
Les fleurs et les feuilles de chanvre : toutes les fleurs et feuilles de chanvres brutes ne sont pas autorisées. Seule une poignée de sous-variétés dont le chanvre industriel reste légal. Leur culture, leur importation, leur exportation et leur commercialisation en France sont ainsi permises tant que leur teneur en THC reste inférieure à 0.2 %. En ce qui concerne les consommateurs, l’achat des fleurs et des feuilles de plante de chanvre Sativa L. est interdit au moins de 18 ans.
Les dérivés : si le marché du cannabidiol est en plein essor en France, c’est surtout grâce aux dérivés du CBD. Voilà pourquoi résines, crèmes, bonbons, cookies et huiles n’ont pas été concernés par le nouveau projet de loi du 30 décembre 2021. Il en va de même pour les cosmétiques au chanvre. Shampoings, huiles de massage, lotions pour le corps, crèmes, masques et gommages sont également libres de vente.
L’avenir du CBD en France
La suspension de la loi interdisant la vente de produits au CBD restera en vigueur jusqu’au 1er janvier 2023. Et comme le marché du CBD actuel en France est estimé à plus d’un milliard d’euros, on peut espérer que la loi devienne un peu plus indulgente. D’autant plus que les vertus thérapeutiques du CBD ne sont plus à démontrer.
Les produits au cannabidiol mis en vente en ligne et dans les boutiques physiques sont de plus en plus appréciés par les Français. En interagissant avec le système endocannabinoïde, le cannabidiol est en mesure de maintenir efficacement l’homéostasie du corps. C’est de cette manière qu’il améliore la qualité du sommeil et renforce le système immunitaire. Le CBD est également en mesure de calmer les douleurs chroniques, réduire l’anxiété, augmenter le sentiment de détente et favoriser la relaxation. En ce qui concerne le mode de consommation, il y en a pour tous les besoins – sur la peau, en infusion, à la vape.
Ce que beaucoup ignorent encore à propos du CBD, c’est que même s’il s’agit d’une molécule cousine du THC, elle n’est pas psychotrope. Le cannabidiol, en aucun cas, ne nuit à la sensibilité sensorielle, à la perception, au comportement et encore moins à la conscience. En revanche, il doit être consommé avec modération. Une dose élevée peut entraîner vomissements et somnolences. La consommation de CBD est également déconseillée chez les femmes enceintes et celles qui allaitent. Il est aussi à noter que cette substance active du chanvre interagit avec des médicaments de types anticoagulants et immunosuppresseurs.